Question:
Comment comprendre les contradictions flagrantes entre ces différentes sources qui semblent se contredire, alors qu’il est de tradition que les textes du Tanakh ont été écrites par inspiration divine ?
1) Rois I 4, 26 – 10, 26 et Chroniques II 9, 25.
2) Chroniques II 22, 2 et Rois II 8, 26.
3) Chroniques II 8, 18 et Rois I 9, 28.
Merci et Kol Touv.
Réponse:
Bonjour,
Tous ceux qui étudient le Tanakh se posent ces questions, et elles sont abordées par les Sages du Talmud, les rabbins médiévaux et autres rabbins.
Puis, les athées et libres penseurs de tout poil, cherchant la déconstruction du Tanakh, ont rapporté ces questions sans y répondre ; ils les prennent comme des “bouées de secours” pour conforter leurs thèses égarées.
Cette manœuvre, appelée “critique biblique”, a sévi en Europe les deux derniers siècles, et a déstabilisé énormément de gens. Beaucoup d’universitaires à travers le monde et en Israël la prennent, à tort, au sérieux, et les juifs de tendance libérale sont malheureusement les victimes.
Aujourd’hui, l’islam aussi cherche frénétiquement la déconstruction de la tradition et de l’histoire du peuple juif, il fait de la critique biblique son cheval de bataille, et ce genre de questions inonde de façon effrénée les sites salafistes. Pour ces derniers, cette démolition est un impératif théologique et politique, mais leur dessein est sans espoir, comme écrit Maimonide au 11ème siècle dans sa “Missive au Yémen”, pendant les persécutions de la part des musulmans : “Les nations se sont unies pour détruire les bases de notre religion, qui fut pourtant fondée sur des assises indestructibles. Malgré leur effort et fatigue, ce Monument reste debout, et D.ieu se moque de leurs desseins”.
J’essaierai alors de répondre simplement, et espère que le lecteur discernera le bon sens, et plus spécialement s’il est familiarisé avec la lecture hébraïque.
1) La citation Rois I 4, 26 semble être erronée ; dans notre Tanakh, il n’existe aucun verset 26 dans le chapitre 4.
En ce qui concerne le verset Rois I 10, 26 : “Chlomo a possédé chars et soldats, il avait 1400 chars et 12000 soldats”, je ne vois pas en quoi existerait-il une contradiction avec les autres citations. Vous avez peut-être copié des sources non fiables.
Votre question est peut-être une expression citée dans un autre verset, Rois I 5, 6 : “Chlomo a possédé 40 000 Ourvot (écuries, mangeoires, étables, box) pour ses chevaux”.
Par contre, dans les Chroniques II 9, 25, le verset dit : “Chlomo a possédé 4000 Ouriyot (écuries, mangeoires, étables, box) pour ses chevaux”. La contradiction serait entre les chiffres 4000 et 40000.
Pour résoudre ce problème, il faut justement tenir compte du fait que ces textes furent rédigés par les prophètes avec le plus grand soin, et il convient alors de les scruter avec la plus grande attention. Dans le verset des Rois, le mot “Ourvot” (mangeoires) est écrit sans la lettre Youd, alors que dans le texte des Chroniques il y a un Youd ; pourquoi-donc ?
Un Youd (ou un Vav) ajouté dans un mot s’appelle dans le Talmud une “écriture Malé”, pleine ; elle signifie une lecture de “plus”, c’est-à-dire qu’il faudra ajouter quelque chose. La valeur de la lettre Youd est 10. L’explication est alors limpide : Chlomo possédait 4000 grandes étables, mangeoires, et 40 000 chevaux, et chaque grande étable contenait dix mangeoires individuelles, pour 10 chevaux.
Le verset qui cite 4000 Ouriyot écrit ce mot avec le Youd en plus, pour indiquer que bien qu’ils ne furent que 4000 étables, il faut multiplier ce chiffre par dix, car ils ont possédé 40 000 mangeoires individuelles, pour les 40 000 chevaux.
2) Cette question a déjà été posée sur Torah-Box. Voici le lien pour consulter la réponse : ;http://www.torah-box.com/question/5-questions-sur-des-contradictions-du-tanakh_1620.html
Aujourd’hui, je me permets d’ajouter des précisions.
Il faut considérer deux choses :
a) Les textes disent que Yéhoram devint roi à 32 ans et qu’il régna pendant 8 ans ; ceci lui donne en tout 40 ans pour vivre. Puis, le texte dit que son fils devint roi à 42 ans. Comment est-ce possible ? D’après l’explication citée, le père n’est mort qu’à 60 ans, quand son fils atteignit l’âge de 42 ans, et cette question est alors résolue.
b) Les Chroniques II 21, 20 disent : “Agé de trente-deux ans à son avènement, il avait régné huit ans à Jérusalem. Il s’en alla sans aucun prestige. On l’ensevelit dans la Cité de David, mais non dans les tombeaux des rois.”
Yéhoram régna 8 “Chanim”, années. Le mot “Chanim” est écrit avec quatre lettres : Chine, Noun, Youd, Mèm, qui veut dire “années” au pluriel.
Par contre le livre des Rois II, 8, 17 dit : “Agé de trente-deux ans à son avènement, il régna huit ans à Jérusalem.”
Ici, le mot “année” est un “Kri et Ktiv”, c’est-à-dire que la lecture et l’écriture sont différentes. Le père régna 8 “Chana”, “année” au singulier, écrit avec trois lettres : Chine, Noun, Hé, mais doit être lu “Chanim” au pluriel ; c’est un fait curieux !
Le système de “Kri et Ktiv” n’est pas la conséquence d’une erreur de transmission, comme mystifient les ignares, mais l’œuvre des prophètes et sages, rédacteurs du texte (Talmud Nédarim 37 b) ; il fait comprendre aux lecteurs que ce mot possède un double sens.
En ce qui concerne notre sujet, le fils, âgé de 22 ans, régna au nom de son père malade, pendant 20 ans. Après la mort du père, le fils, âgé de 42 ans, régna enfin en son nom propre. Le texte des Rois indique qu’Achazyahou régna à 22 ans et le père huit ans, et le mot “Chana” (du père) est écrit au singulier, qui est un diminutif. Il indique que le père n’a pas régné effectivement qu’un court laps de temps, 8 ans, pour laisser ensuite sa place à son fils.
Par contre, le texte des Chroniques rapporte l’âge du fils, 42 ans. Les huit années du père sont écrites “Chanim”, au pluriel, pour indiquer que, bien qu’il n’ait régné effectivement que huit ans, son pouvoir s’étendit encore pendant 20 ans.
3) Chroniques II 8, 18 et Rois I 9, 28.
Dans les Chroniques, le texte dit : “Salomon partit alors pour Ecion-Ghéber et pour Éloth, sur les bords de la mer, dans le pays d’Édom. Et Hiram lui envoya, par ses serviteurs, des navires, et des serviteurs connaissant la mer. Ils allèrent avec les serviteurs de Salomon à Ophir, et ils y prirent quatre cent cinquante talents d’or, qu’ils apportèrent au roi Salomon.” (Chroniques II 8, 17-18).
Et dans le livre des Rois : “Le roi Salomon construisit un navire à Ecion-Ghéber, près d’Éloth, sur les bords de la mer Rouge, dans le pays d’Édom. Et Hiram envoya ses serviteurs dans un navire, des hommes de bateaux, connaissant la mer, avec les serviteurs de Salomon. Ils allèrent à Ophir, et ils y prirent de l’or, quatre cent vingt talents, qu’ils apportèrent au roi Salomon.” (Rois I, 9, 26-28).
Vous ne précisez pas en quoi consiste la contradiction, mais je suppose que vous vouliez indiquer le fait que dans les Chroniques figurent 450 talents, et dans les Rois que 420 talents.
Mais comme je viens de l’indiquer, les textes rédigés par les prophètes doivent être lus avec le plus grand soin, en scrutant chaque mot.
Ces deux textes renferment quatre autres différences :
a) Le texte des Rois (verset 26) mentionne que c’est Chlomo qui construit à Ecion-Ghéber un navire,
b) Le texte indique qu’il s’agit de “Oni”, un navire, au singulier, et ainsi le verset suivant (27) mentionne que Hiram envoie ses serviteurs “Baoni”, avec le navire, au singulier,
c) Les serviteurs de Hiram ne sont mentionnés qu’une fois,
d) Ils sont appelés “ses serviteurs, hommes des bateaux, connaissant la mer”.
Par contre, dans les Chroniques :
a) Le texte ne cite aucune construction de navire de la part de Chlomo, mais c’est le roi Hiram qui les lui envoie,
b) Le texte cite “Oniot”, “des navires”, au pluriel. De plus, le mot “Oniot” est un “Kri et Ktiv”, c’est-à-dire que le mot n’est pas écrit de la même façon qu’il se lit. Il est écrit avec six lettres : Alef, Vav, Noun, Youd, Vav et Tav, et on le lit avec cinq lettres : Alef, Noun, Youd, Vav et Tav, sans le premier Vav,
c) Le texte attribue deux activités aux serviteurs de Hiram : ceux qui apportent des bateaux, et ceux qui connaissent la mer,
d) Les serviteurs qui connaissent la mer ne s’appellent pas “hommes des bateaux”.
Il semble alors ainsi :
Hiram est le roi de Tyr (Rois I 5, 15), au Liban. Il n’envoie pas ses navires vers Ecion-Ghéber, l’Elath à la mer Rouge, par la route maritime, car elle contourne l’Afrique, ce qui est très long. Or, le transport de 420 talents exige un grand navire, alors Chlomo le construit lui-même à Ecion-Ghéber.
Par contre, pour le transport de 30 talents, il suffit d’un ou deux petits navires ; Hiram lui envoie alors deux bateaux par route terrestre, montés sur des chars ou sur des roues.
Hiram envoie deux catégories de serviteurs, des spécialistes de transport par la route terrestre, et ceux connaissant la mer.
Le texte dans Les Rois mentionne le navire que Chlomo avait construit, sur lequel on transporte 420 talents. Ce verset appelle les serviteurs de Hiram qui naviguent sur ce bateau “hommes des bateaux”, pour rappeler le fait qu’ils venaient avec des bateaux qui ne sont pas cités ici.
Par contre, le texte dans les Chroniques exprime l’envoie des deux petits navires de Hiram ; avec tous ces navires, ils transportent 450 talents. Le Vav de surplus dans le mot “Oniot” signifie, comme ce genre de Vav, un Ribouy, un ajout ; il indique qu’il faut ajouter, en plus des deux navires de Hiram, le navire de Chlomo, et qu’ils apportent les 450 talents avec tous les navires ensemble.
Ce verset cite les serviteurs de Hiram deux fois, les serviteurs pour le transport terrestre, puis ceux pour le transport maritime.
On pourrait alors demander pourquoi n’ont-ils pas construit un plus grand navire qui transporterait les 450 talents, et on n’aurait pas eu besoin des petits navires ? Mais on pourrait répondre qu’un grand bateau qui transporte une telle richesse doit être escorté par de petits bateaux, d’autant plus que pour la construction du grand, il fallait d’abord un petit comme modèle.
Il se peut aussi que les 30 talents supplémentaires furent transportés sur les bateaux appartenant à Hiram, car ces talents furent le salaire de Hiram, qui avait la coutume de se faire payer pour ses services rendus à Chlomo, comme l’indique le texte des Chroniques II 2, 9. Les serviteurs spécialisés en transport sur route terrestre se chargèrent ainsi du transport lourd de ces trente talents.
Enfin, Ezra a écrit les Livres des Chroniques pour parfaire les informations qui figurent dans les autres Livres prophétiques antérieurs.
Kol Touv.